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Reggane – Les premiers essais nucléaires français

Des traces indélébiles

El Moudjahid – lundi 22 février 1993

La terre a fortement tremblé, ce matin du 13 février 1960, dans le Touat. Ce n’était pas une secousse tellurique, mais l’effet d’un essai nucléaire effectué par l’armée coloniale française au plateau Moudia, à Reggane. Une expérience atomique à laquelle ont été exposés des moudjahidine faits prisonniers à l’époque.

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Il y a 33 ans, la France coloniale a procédé à des essais nucléaires dans la région de Reggane, au plateau Moudia, dit aussi Hassi Madane.

L’armée française avait bouclé la boucle de la barbarie contre le peuple algérien en lutte contre la présence de cet occupant sur son territoire.

Au mépris de l’opinion

Sur les quatre bombes nucléaires, mises au point dans la base de Reggane, deux seront mises à l’essai à un intervalle de moins d’une année. Le troisième essai va, par contre, échouer, et l’accident qui s’en est suivi, témoigne M. Kaâzzaoui Amed Kaddour, un ancien ouvrier de base d’essai, a tué cinq manipulateurs et blessé deux autres.

Quant à la quatrième bombe, l’avènement de l’indépendance est venu bousculer les prévisions coloniales. Mais l’on dit que le troisième essai atomique a eu lieu à In Icker, aux environs de Tamanrasset.

M. Kelloum Mekki, un ancien moudjahid, natif de la région, et d’autres personnes rencontrées en différents lieux du Touat, citent les mêmes faits.

Pour M. Kalloum, homme très au fait de l’histoire, toutes les batailles menées par l’armée coloniale dans l’extrême-sud du pays étaient des sortes d’essais d’armement des forces de l’OTAN de plus en plus sophistiqué, surtout après la deuxième guerre Mondiale.

Ce témoin parle avec force insistance de l’isolement dans lequel étaient confinés Reggane et ses alentours. Craignait-on le tollé d’une opinion internationale encore sous l’effet des horreurs causées par le largage des deux bombes atomiques sur Hiroshima et sur Nagasaki en 1945 ?

La veille de l’essai nucléaire, évoquent les gens qui en ont été témoins des officiers français, aidés par “la troisième force locale”, avaient fait, tambour battant, la tournée des ksour de presque tout le Touat, pour avertir la population de sortir, et de laisser portes et fenêtres ouvertes le jour “J”, et les assurer aussi de la banalité de l’essai.

Une grande partie de la population, apprend-on, a désobéi aux consignes, en signe de protestation. Une bravade qui forcera les murs du silence, puisque, dit M. Kalloum, des rapports détaillés sur la situation avant et après les essais ont pu être transmis au bureau FLN au Mali.

C’est ainsi que l’opinion internationale sera informée du déroulement des essais. Cependant, sans effet percutant, puisque la France coloniale forte du soutien de l’OTAN a empêché les commissions d’inspection dépêchées d’accéder aux lieux du forfait.

Des actes ignobles évoqués trente années après une intense frayeur et indignation. Surtout à Reggane où la légion étrangère “nous traitait de toutes sortes de sobriquets haineux et racistes” disent indignées les personnes rencontrées.

L’effet d’un séisme

La terre a fortement tremblé ce matin du 13 février 1960 au Touat. Les secousses, le tourbillon de poussières et les lumières produits par le champignon nucléaire, se sont répercutés jusqu’à Béchar, au nord et dans certaines localités maliennes frontalières, au sud.

Les portes et fenêtres tenue fermées se sont ouvertes dans un vacarme, ou étaient carrément soufflées et la plupart des murs des habitations fissurés. Quant à la lumière irradiée, elle était si intense, se rappelle-t-on, qu’elle a éclairé comme jamais les intérieurs ténébreux des ksour.

Pour ce qui concerne l’opération d’essai, proprement dite, racontent surtout les ouvriers, employés au centre à l’époque, l’on a exposé à l’explosion toute sorte d’êtres vivants et des matériels, y compris l’armement de guerre. Pour les animaux cobayes, par exemple, les galeries destinées à les recueillir étaient creusées par plus de trois cents ouvriers algériens.

L’armée coloniale dépasse l’entendement en exposant des moudjahidine, faits prisonniers, à l’explosion atomique pour les besoins d’essai.

Qui étaient-ils ? Combien étaient-ils ? D’où venaient-ils ? L’on ne saura pas grand chose. Peut-être, étaient-ils des détenus du camps de concentration ditbidon cinq” situé entre Reggane et Bordj-Badji-Mokhtar, un Auschwitz à la française. M Kaâzzaoui affirmera, quand même, l’arrivée tard dans la nuit qui a précédé l’explosion, d’un camion plein d’autochtones à une heure, ajoute-t-il, où il n’est permis à aucun ouvrier algérien de se trouver au “plateau”, à quelques kilomètre du centre d’essai.

C’est dire tout le secret qui a entouré l’opération.

Mais dans le documentaire de Azzedine Meddour, intitulé “Combien je vous aime”, diffusé par l’ENTV au milieu des années 80, qui relate, pour la prière fois après l’indépendance, les faits relatifs aux essais nucléaires de Reggane, l’on se rappelle des séquences où des soldats de la légion étrangère à Reggane reconnaissent la véracité de ces faits. Avec la précision même que les corps de ces martyrs, attaché à des poteaux à un et deux kilomètres du lieu de l’explosion, ont été retrouvés durcis comme du plastique.

Deux essais qui ont marqué de leurs traces indélébiles la région immédiatement après l’explosion, beaucoup de femmes enceintes ont avorté de même que les bêtes mammifères pleines ont perdu leurs portées.

La mortalité infantile et les maladies jusque-là inconnues dans la région ont fait ravage juste après les essais atomiques. Les récoltes agricoles n’étaient pas en reste, elles étaient totalement perdues à Reggane, soutiennent des vieux rencontrés au Ksar-Errégani.

Et les années qui ont suivi n’ont pas effacé les traces des retombées radioactives sur l’homme et l’environnement en ces contrées, baptisées par les auteurs du forfait “zone rose”. Peut-être à cause d’une rougeur qui couvre depuis l’atmosphère.

Aujourd’hui, les gens se disent se sentir en état de fatigue continuel, eux descendants des bâtisseurs des Ksour et foggaras des œuvres dignes du rang de merveilles du monde.

Les maladies respiratoires, de la peau et des yeux, inexistantes il y a trente ans, continuent à sévir depuis les années soixante.

Aussi, depuis cette date, l’allaitement naturel chez les femmes, dira un médecin rencontré à l’hôpital de Reggane, n’excède pas, quand il existe, deux mois et les enfants naissent de plus en plus chétifs.

De même qu’à Reggane, l’agriculture n’a pas retrouvé à ce jour son abondance d’antan. Dans le verger familial de M. Kaâzzaoui à Izrafine, le carré des petits pois sur le point de mûrir se meurt petit à petit. C’est ce qui arrive souvent pour tout genre de récolte dans cette région depuis que le champignon nucléaire a pollué ses espaces.

M.D.

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Avertissement :

Nous vous rappelons que nous vivons en pays occupé :

"Les murs ont des oreilles...".