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Liberté !

Portrait de John Milton

“La censure écrivait Milton, n’est pas seulement un outrage à la dignité humaine ; c’est une invention complètement inutile, qui n’atteint pas son but, et ne peut pas même s’exécuter. Elle veut, dit-elle, préserver les esprits et les cœurs du contact de l’immoralité ; mais elle ignore que l’esprit du mal nous en inspire le dégoût, ou bien souvent nous fournit des armes contre lui ; que de la fatale pomme se sont élancés en même temps, comme deux jumeaux, le Bien et le Mal ; qu’ils croissent ensemble, unis par de subtils rapports, difficiles à distinguer, et que nous n’arrivons pas à l’un, si nous ne connaissons pas l’autre. Celui-là seul qui sait envisager d’un oeil fixe le vice avec ses pièges et avec ses fausses jouissances, et cependant le repousser et préférer la vertu, celui-là seul est le vrai chrétien. Il ne faut pas louer une vertu cloîtrée et paresseuse, sans exercice et sans vigueur, qui n’ose contempler au grand jour son adversaire, ou qu’on voit défaillir au milieu de sa course tandis que la palme immortelle doit être conquise à travers la sueur et la poussière. Vous voulez arrêter le vice ? Mais prenez garde, en lui fermant une porte, de lui laisser mille autres ouvertures, et rappelez-vous la rare imagination de ce galant homme qui, fermant à clé son parc, croyait emprisonner les corneilles... Et quand vous réussirez à fermer à l’esprit toutes ces ouvertures, que deviendrait-il ainsi séquestré ? La vérité, dans l’Écriture est comparée à une fontaine qui coule ; ses eaux sont-elles arrêtées, ces erreurs et ces préjugés qui tout à l’heure la troublaient un instant, puis disparaissaient, s’amassent alors en un bourbeux étang, qui l’arrête et la corrompt... Non, non, Nobles et Bourgeois ! Il ne faut pas emprisonner les esprits ; les temps sont venus d’écrire et de parler librement sur toutes les matières du bien public. Dussent les vents de toutes les doctrines souffler à la fois sur la terre, la vérité est en campagne, laissez-la lutter avec l’erreur ! Qui a jamais vu que, dans un combat libre et à ciel ouvert, la vérité fut vaincue ?

Je ne prétends pas, milords et messieurs, que l’Église et le gouvernement n’aient intérêt à surveiller les livres aussi bien que les hommes, afin, s’ils sont coupables, d’exercer sur eux la même justice que sur des malfaiteurs ; car un livre n’est point une chose absolument inanimée. Il est doué d’une vie active comme l’âme qui le produit ; il conserve même cette prérogative de l’intelligence vivante qui lui a donné le jour. Bien plus, les livres préservent comme en un flacon la plus pure quintessence de l’intellect vivant qui les a fait naître. Je regarde donc les livres, comme des êtres aussi vivants et aussi féconds que les dents du serpent de la fable[1] ; et j’avouerai que, semés dans le monde, le hasard peut faire qu’ils y produisent des hommes armés. Mais je soutiens que l’existence d’un bon livre ne doit pas plus être compromise que celle d’un bon citoyen ; l’une est aussi respectable que l’autre ; et l’on doit également, craindre d’y attenter. Tuer un homme, c’est détruire une créature raisonnable, l’image divine ; mais étouffer un bon livre, c’est tuer la raison elle-même, c’est tuer l’image de Dieu, pour ainsi dire son regard. Quantité d’hommes n’ont qu’une vie purement végétative et, pèsent inutilement sur la terre ; mais un livre est l’essence pure et précieuse d’un esprit supérieur ; c’est une sorte de préparation que le génie donne à son âme, afin qu’elle puisse lui survivre. La perte de la vie, quoiqu’irréparable, peut quelquefois n’être pas un grand mal ; mais il est possible qu’une vérité qu’on aura rejetée, ne se représente plus dans la suite des temps et que sa perte entraîne le malheur des nations.”

John Milton - 1644

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[1] Le Héros hellène met à mort le Dragon primitif. Il ouvre un sillon et y sème les dents du monstre, dont naissent des guerriers qui s’exterminent mutuellement pour la plupart (Cf. Ovide : Métamorphoses)





Avertissement :

Nous vous rappelons que nous vivons en pays occupé :

"Les murs ont des oreilles...".